Ils se regardent. Ils se regardent intensément. Mais ils ne parviennent pas à se voir vraiment.
Lui voit d’autres cils, d’autres lèvres, d’autres joues. Pas les siens. Pas les cils, ni les lèvres, ni les joues de celle qui se tient là, devant lui.
Qui voit-il ?
Elle n’en sait rien. Elle aimerait savoir. Elle aimerait lui demander. Mais « ça ne te concerne pas », a-t-il rétorqué si sèchement une fois qu’elle n’y est pas revenue.
Fin du dialogue avant même qu’il ait commencé.
Elle, elle le percevait derrière ces visages qui s’estompaient quand elle le regardait avec attention.
Elle voyait un geste, une mimique, une lumière qui appartenait au passé. Elle lui disait bonjour. La remerciait. Et passait au-delà. Elle voyait au-delà.
Elle aimait ce qu’elle voyait. Un être vibrant. Un être chaleureux et doux. Un être avec qui créer un tableau de vie rythmé et coloré. Mais lui ne la voyait pas.
Ou bien il refusait de la voir. Et d’être ainsi plongée dans le noir la faisait flirter avec le désespoir.
Elle sentait son énergie de vie emprisonnée, emmurée, ligotée.
Impossible de l’exprimer.
L’orage gronde, le temps se fait de plus en plus lent et lourd. Les mouches piquent. Le corps transpire. Le cœur soupire. Ça ne peut pas être plus écrasant et plus mortel que ces fameux cent ans de solitude où la vie suffoque et s’assèche. Ça rôde dans l’espace, ça tournoie dans l’air, ça se faufile dans les craquèlements du sol et les fendillements des murs.
Elle n’en peut plus.
Se sent-elle l’âme d’un mineur à creuser des galeries, à placer des bâtons de poudre et à faire péter les entrailles de la terre pour s’emparer du bon filon d’émeraude qu’il allait falloir ensuite et en plus déganguer, laver, polir avant d’enfin le tailler pour le sertir ou l’enchâsser afin qu’il se révèle au monde dans tout son éclat de joyau splendide ?
Elle avait plutôt le cœur d’un oiseau léger et chantant, qui joue et plane en bande complice.
Elle leva les yeux et regarda plus loin, derrière lui.
Un peu plus haut, le ciel était bleu et la danse virevoltante des messagers de l’air semblaient lui dire : « Allez, viens, vole avec nous ! »
Elle se vit plaquée au sol, presque rampante et décida de se fondre avec la terre. La terre est son corps.
Elle resta là, au bord de la rivière, des minutes et des heures, des heures et des jours, à se laisser irriguer par le clapotis rafraîchissant de l’eau. Elle commença à sentir la vie circuler à nouveau. L’eau est son sang.
Une brise douce et caressante vint l’envelopper. Des parfums délicats de mousse tendre, de feuilles exhalantes, de troncs robustes et fiers, de fleurs belles et sauvages arrivèrent jusqu’à elle et lui firent de nouveau savourer la diversité et la richesse de la vie. Elle se mit à respirer avec amplitude et générosité. L’air est son souffle.
Elle put se relever, sentir ses jambes puissantes, prêtes à rebondir. Son dos s’était assoupli et son buste ouvert sur l’avenir était prêt à recevoir une nouvelle lumière. Face au soleil, ses pensées s’étaient éclaircies, son cœur apaisé, un sourire était né sur son visage. Une nouvelle présence se faisait jour. Le feu est son esprit.
Elle se sentit pleine, vivante, vibrante, à sa place comme une fée posée au cœur d’un large pétale d’où elle contemplait le ciel, la voûte de l’Univers, et chantait vers les étoiles pour que ses vœux et ceux de tous les autres sur cette terre se manifestent dans l’équilibre et la beauté.
Va-t-elle prendre son envol et rejoindre la compagnie des oiseaux, au bec parfois acéré mais à la plume douce et au gazouillis heureux ?
Elle ne le savait point encore.
Elle était là, devant lui ; il semblait attendre lui aussi.
Elle se tourna.
Lui partit et s’en alla regarder une autre.
L’orage éclata d’un fracas assourdissant. Puis, le silence, à la fois vide, à la fois plein. Le silence que le prétendu savoir-vivre empêche de rompre. Le silence de mort. Le silence qui met de l’espace entre le vacarme des mots qui s’entrechoquent comme des trains lancés à vive allure et déraillant à l’aiguillage. Le silence qui amortit la chute. Le silence de l’espoir qui secrètement nourrit la paix et la sève qui élève patiemment les tiges des jeunes pousses renaissantes. Le silence sage.
Tous ces silences se mélangeaient en elle dans cet espace qui appelait à être transformé. Honorer tous ces silences pour mieux écouter sa petite voix intime et précieuse. Honorer et bénir le silence. C’est tout ce qu’elle pouvait faire, et c’était déjà beaucoup.
A-t-il été pour vous des attentes interminables et suffocantes ?
Quelles ont été les issues heureuses ou malheureuses que vous avez connues ?
Comment selon vous se poursuivra cette histoire ?
Merci de vos partages et impressions en commentaires
*** Une part de vous s'éveille et a besoin de trouver de l'apaisement ? Peut-être pourriez-vous la lui offrir en lui proposant une pause ou éclairage nouveau au travers de l'une de ces approches ? https://www.sophiebedourede.com/eventail-d-approches Si tel est le cas, je vous accueillerai et vous accompagnerai avec plaisir. À bientôt !
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